La théologie pratique de Félix Neff

Publié le par Severin

    Félix Neff est né à Genève en 1797. Il est devenu chrétien en 1818. Il résida à Grenoble, puis à Mens, et dans les Hautes-Alpes, avant de s'éteindre d'épuisement en 1829 à Genève. Son existence fut courte mais intense, toute orientée à vivre selon ce en quoi il croyait : L'évangile ; selon Celui en qui il croyait : Jésus-Christ.
Voici quelques points de sa théologie pratique sur lesquels je désire m'arrêter :

1/ Rien de bon n'habite en moi :
    Dès sa conversion Félix Neff a pris connaissance de sa parfaire indignité devant Dieu. Il a été aidé en cela, outre la lecture de la Bible, par un petit traité intitulé : Le miel découlant du Rocher. L'auteur de cet écrit s'emploie essentiellement à montrer toute notre misère, ainsi que les efforts déesepérés de notre nature pour vivre selon les exigences divines, ou selon ses propres critères moraux.
    C'est un petit livre que Neff apprit à connaître par coeur. Il encourageait l'église à le lire et à le méditer. Voici un extrait, significatif, qui souligne mon propos :
    "Si jamais vous avez appris à connaître véritablement Jésus-Christ, vous n'avez découvert en lui que pure grâce, que justice parfaite, qui abonde infiniment sur tout péché et sur toute misère humaine. Si vous avez véritablement vu et connu Jésus-Christ, vous pouvez fouler aux pieds la justice des hommes et des anges, plutôt que de chercher, par l'une ou par l'autre, un libre accès auprès de Dieu. Si jamais vous l'avez connu, vous devez l'avoir perçu comme le rocher du salut, infiniment élevé au-dessus de toute propre justice, de même qu'au-dessus de Satan et du péché (Psaume 61 : 3). Et ce rocher, qui est Christ, vous suivra partout (1 Corinthiens 10 : 4). C'est de lui que découle continuellement le Miel de la grâce qui peut vous rassasier".
   C'est normalement l'expérience que connait tout chrétien authentique. Et pour finir, voici un extrait de sa biographie :
    "Quiconque ne sent pas la réalité de ces choses, qui les trouve ou exégérés ou obscures, est encore lui-même environné de profondes ténèbres [...] Mais lorsqu'une longue et triste expérience m'eut appris à connaître ma faiblesse et mon indignité ; lorsqu'après mille voeux inutiles, et mille efforts infructueux, je sentis enfin qu'en moi n'habite aucun bien (Romains 7 : 18), et malgré ma résistance, j'étais entraîné vers la perdition par une force invincible ; quand il me fut possible de ne plus douter, qu'avec toutes mes prétentions et mes vertus, je n'étais au fond qu'un vil esclave du péché, un enfant de colère et de rébellion, aussi indigne qu'incapable de goûter les délices du royaume de Dieu, je m'estimai bien heureux de trouver un livre qui, dépeignant avec la plus exacte vérité le misérable état de mon coeur, m'indiquait un remède gratuit et le seul efficace [...] Je reçus avec joie la bonne nouvelle qu'il annonçait, savoir que nous devons aller à Christ avec toutes nous souillures, toute notre incrédulité et notre impénitence" (F.N. L'apôtre des Hautes-Alpes, pp. 23-24).

2/ Fidélité à la Bible :
    Si Félix Neff a pu être utilisé par Dieu, c'est parce que La Bible était pour lui un fondement assuré. Il dit à plusieurs reprises que la Parole de Dieu est sa seule autorité. Nous lisons dans sa biographie :
    "Je crois que ce changement <Neff parle de la conversion qui engendre une nature nouvelle> est le résultat d'une foi véritable. Je crois qu'à partir de cette nouvelle naissance, nous sommes appelés à nourrir ce nouvel homme par la Parole de Dieu, la prière et tous les moyens d'édification à notre portée ; et que nous devons veiller sur nous-mêmes, usant fidèlement de tous les secours et de toutes les grâces de Dieu, de peur d'être séparés de Christ, et rejetés comme le sarment qui ne porte pas de fruit" (ibid. p. 67).
    "Sa foi, sa religion, son christianisme, sa théologie avaient leur source, leur raison d'être dans l'Ecriture. Il n'était croyant, chrétien, ministre de l'Evangile, conducteur d'âmes, pasteur, qu'à cette condition. En dehors de l'Ecriture, il n'y avait à ses yeux qu'incertitude. Il se courbait devant le Livre, mettait tous ses soins à se laisser enseigner par lui ; il lui soumettait son intelligence, il prêtait l'oreille à son langage comme à celui d'un ami, d'un maître donnant des leçons" (p. 184).

3/ Intransigeant avec la vérité :
    Félix Neff était intransigeant avec la vérité de la Parole. Nous avons, dans cette même Parole, l'exemple d'un Paul (cf. Galates, 1 Corinthiens), d'un Jean (5 des 7 lettres destinées aux églises de l'Apocalypse), des prophètes dans l'Ancien Testament ; et bien sûr l'exemple de Jésus-Christ lui-même. Félix Neff était aussi possédé par cette intransigeance salutaire :
    "Quand il s'adressait à des chrétiens, à des pasteurs, à des théologiens, une fois que la question du salut ne se posait plus, Neff ne laissait jamais passer l'erreur sans la dénoncer avec une franchise, une vigueur exemplaire. Il n'était pas polémiste par goût,  bien au contraire ; mais il savait que, pour les idées, il n'y a pas de charité et que l'erreur est génératrice de péché" Ibid. p. 196).

4/ Amour pour les frères et le prochains :
    Une saine intransigeance, nécessaire pour préserver la vérité biblique, doit être tempérée, ou plus exactement équilibrée, par l'amour de l'autre, par l'amour pour l'autre. Nous nous réfèrerons à nouveau à la biographie :
    "Si nous aimons les âmes, nous ne désirerons rien tant que de les atteindre pour leur annoncer la bonne nouvelle ; nous éviterons avec soin tout ce qui pourrait les prévenir contre nous ; et nous sacrifierons volontiers, pour le salut des âmes immortelles, notre propre opinion ou notre entêtement" (Ibid. p. 186).
    "Neff professait la vérité, avec intransigeance, envers et contre tous, mais il la professait dans la charité. Sous un extérieur austère et froid, le ''caporal au coeur d'acier'', comme Bost l'appelait, cachait une âme profondément sensible. en 1823 déjà, il écrivait ces lignes : ''Exhortons-nous aussi les uns les autres à la charité et à la miséricorde. Nous en avons grand besoin, et nous ne savons pas en user avec autrui. soyons bons, même avec les plus grands ennemis ; haïssons leurs oeuvres ; combattons leurs principes ; empêchons-les, autant que possible, d'obscurcir le conseil de Dieu ; mais aimons leurs âmes ; prions pour eux ; plaignons leur aveuglement, et témoignons-leur une affection véritable" (Ibid. pp. 203-204).

5/ l'importance de l'édification mutuelle :
    Nous ne redirons jamais assez la nécessité des réunions fraternelles. Pour Félix Neff, l'église était avant tout le lieu où se réunissent les frères. Nous nous rappelons ce que dit Jésus-Chrsit lui-même : là où deux ou trois sont assemblés, je suis au milieu d'eux. Neff s'appropriait cette affirmation. Nous lisons encore :
    "Pour Neff, les assemblées d'édification mutuelle sont un rouage essentiel de l'église. Il l'a répété avec une énergie, une constance peu communes. cette base de son activité, il l'organise partout, la dirige avc un soin minutieux ; il en attend, il en obtient le réveil [...] ''Je regarderais toujours, écrit-il encore, comme le devoir des chrétiens de se réunir en véritable Eglise, séparée ou non, pour vivre dans la discipline évangélique. Je n'insisterai pas sur la forme et le mot, mais beaucoup sur la chose ; et alors, non seulement je la dis essentielle et ordonnée par le Seigneur, mais je regarde comme une grâce inappréciable d'être joint à un tel troupeau" (Ibid. pp. 188-189).

6/ Conclusion :
    En des temps difficiles où les églises sombraient dans le rationalisme et dans une sorte de libéralisme doctrinal (en cela notre époque n'est pas très éloignée de celle de Neff), ce dernier a su retrouver l'esprit d'hommes tels que Augustin, Calvin, Pascal, Whitefield, Edwards, etc. Tout comme eux il était animé d'une profonde conviction de la réalité de la misère morale et spirituelle de l'homme, par la certitude expérimentale de son incapacité à faire le bien selon les exigences divines ; mais en contrepartie il savait tout autant s'appuyer avec confiance sur Jésus-Christ et était saisi par un zèle pour les perdus et pour l'église. Entièrement soumis à la Parole de Dieu, il a su se garder de tout dogmatisme, de tout esprit de système ; il a su ne pas regarder aux étiquettes religieuses que l'on colle si facilement sur le front de ceux qui n'aoppartiennent pas à la notre chapelle. Malgré ses nombreuses faiblesses, il a su garder un équilibre spirituel, en dépit de sa solitude, de ses difficultés avec les autorités qui ne le comprirent que trop rarement. Sa vie a été courte mais ardente ; et elle doit, encore aujourd'hui, stimuler tout chrétien qui cherche à approfondir sa foi. Je termine avec cette dernière parole écrite peu de temps avant sa mort :
    "Ah ! chers amis ! combien nous perdons de temps, de combien de bénédictions et de grâces nous nous privons en vivant éloignés de Dieu, dans la légèreté, dans la distraction, dans la recherche des choses périssables, dans la satisfaction de la chair et de l'amour-propre ! C'est maintenant que je le sens ; et vous le sentirez au jour de l'épreuve. Rachetez donc le temps, je ne puis trop vous le répéter ; vivez en Dieu, par la foi, par la prière, par des entretiens sérieux. Je ne puis et ne veux être sauvé que comme le dernier des pécheurs, que comme le brigand converti sur la croix." (Ibid. p. 223).

Publié dans hommes de Dieu

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